Les instruments baroques font entrevoir bien plus qu’ils ne laissent apparaître. Ainsi, l’expression d’humeurs cristallines, empruntée à Descartes à l’endroit de ses observations sur le mouvement oculaire de la vision, s’est assez vite présentée comme titre pour ce quatuor. Ces instruments en fait prennent leur origine à la Renaissance, et c’est précisément à ce moment de l’histoire que bascule en occident, le sens de l’écoute vers celui de la vue avec notamment l’invention de la perspective. Mais c’est aussi à partir de ce moment-là, que commencera à s’élaborer les figures d’une rhétorique, elle même fondée à partir de l’image, au sein même du langage musical.
Ce qui est fascinant d’observer à travers ces instruments, est la dimension qu’ils transportent à l’image de leur propre corps comme à celui, res extentia, de l’interprète; quel instrument à cette époque n’est déjà pas en soi un objet ou un corps de contemplation voire d’esnigmes ! Ecrire pour de tels instruments avec ce qu’ils enseignent comme diverses leçons de chose, dévoile dans leur transmission, tout un corps de fibres dont l’image encore, mais aussi l’image sonore, m’évoque par recoupement, quelques tableaux de leçons anatomiques. Pour ainsi dire c’est un œil qui écoute par le lieu même où se creuse via le voilement et le dévoilement, l’image fragmentée d’une pensée musicale. L’œuvre se divise en quatre sections principales selon les proportions issues d’une des nombreuses formules à base 34 du carré magique que l’on voit pensées dans la très célèbre gravure "Melancholia I" d’Albrecht Dürer.
Les Humeurs Cristallines initialement pensée pour accompagner une chorégraphie de danse baroque a été commandée par le festival MUSICA Strasbourg, et elle est dédiée à Klaus Karl Hübler.
Les Humeurs Cristallines
(the antomy of ...)
pour viole de Gambe, deux théorbes & clavecin français